23 septembre 2022
Il y a la froideur des chiffres. La guerre syrienne a poussé 4,9 millions de personnes à quitter le pays (HCR, février 2017). La Turquie est leur principale terre d’asile, accueillant 2,9 millions de Syriens, suivent le Liban (1,5 million) puis la Jordanie. « Le Liban, discrètement, joue un rôle déterminant dans l’accueil des réfugiés syriens qui franchissent la frontière pour trouver asile sur son territoire », a indiqué Bruno Foucher, ambassadeur de France au Liban, « d’autant plus qu’aujourd’hui, les perspectives de retour au pays des Syriens sont minces, pour ne pas dire improbables à court et moyen termes ». Le diplomate français a reçu Antoine Chéreau, premier vice-président du Conseil régional, Christine Guerriau, conseillère régionale déléguée aux entreprises et au développement international, et Violaine Lucas, membre de la commission emploi, apprentissage et formation professionnelle. Il a été question de coopération durable dans des domaines aux enjeux cruciaux, notamment la formation professionnelle, la transition énergétique et l’appui technique aux municipalités.
Un soutien pour la paix et la stabilisation du Liban
Avec un déclin du commerce, du tourisme, des investissements et une augmentation des dépenses publiques, la crise syrienne affecte profondément l’économie de ce petit pays dont le nombre de réfugiés accueillis au Liban, pour la moitié des enfants, équivaut quasiment à un quart de la population totale du pays. C’est une première mondiale. « Le Liban accueille la plus importante concentration de réfugiés de toute l’histoire récente. Nous ne pouvons pas le laisser porter seul cette charge car c’est bien le Liban qui a besoin d’être aidé dans l’accueil de ces réfugiés », a indiqué Antoine Chéreau. L’action de la Région des Pays de la Loire s’est concrétisée il y a deux ans, sous l’impulsion de Bruno Retailleau, alors président de la Région : la collectivité régionale s’est en effet engagée dans une action forte au Liban, en s’appuyant sur le travail mené par l’Institut européen de coopération et de développement (IECD). Cette mobilisation en faveur des minorités persécutées du Moyen-Orient, notamment les communautés chrétiennes et yézidis, Bruno Retailleau y tient : « notre rôle est d’aider à soutenir, sur place, une certaine conception de la citoyenneté, seule apte à garantir la cohabitation de toutes les communautés religieuses au sein d’une même entité nationale », avait indiqué le Sénateur de Vendée. « Et ce rôle que doit tenir la France pour dialoguer pour la paix est primordial dans le processus de stabilisation de la Syrie, comme du Liban. »
Une intervention régionale aux multiples facettes
Ce jour-là, dans le centre éducatif Janah, à Sabtieh dans la banlieue de Beyrouth, un atelier musical est proposé aux jeunes EB1, l’équivalent du CM1 dans le système français. Cette activité est conduite par l’association Al-Kamandjati, spécialisée dans l’enseignement de musique arabe traditionnelle et dont le siège est basé à Angers (49). « Là aussi, cette intervention participe au développement et l’éducation des enfants, la réussite scolaire dépend aussi des activités extrascolaires dont la dimension joyeuse et ludique est très importante dans l’épanouissement des enfants », assure Nora Lebbos, chef de projet au centre Janah. « L’impact sur le comportement des enfants est flagrant, la musique traditionnelle leur fait oublier, le temps d’une pratique en chorale, le traumatisme lié à la guerre. » « Les partenariats noués entre l’IECD et l’ARIFTS, le CFA Grafipolis et l’association Al-Kamandjati donnent un vrai sens à notre engagement régional », indique Christine Guerriau, conseillère régionale déléguée aux entreprises et au développement international. « Cet engagement est complété par un projet de formation en électronique de lycéens libanais, de manière à renforcer leur employabilité dans des secteurs où les besoins sont criants. »
L’insertion des jeunes par la formation professionnelle
Alors que les services de base libanais – électricité, eau, gestion des déchets... – présentaient déjà d’importantes carences, ils sont mis à rude épreuve avec l’afflux de réfugiés, tout comme les hôpitaux, débordés, et les écoles publiques, saturées. Parallèlement, en raison de l’augmentation de la main-d’œuvre peu qualifiée et prête à travailler pour des salaires très bas, la situation sociale et économique se fragilise, « incitant la communauté internationale à partager ce fardeau sans précédent avec le Liban, avant que cette situation explosive ne prenne des proportions mondiales », assure Emmanuel Gignac, directeur du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) au Liban. Là aussi, l’intervention régionale, aux côtés de l’IECD, participe à l’amélioration de l’insertion des jeunes par la formation professionnelle, notamment dans des métiers – électricité, électrotechnique, maintenance mécanique – qui présentent un fort potentiel de débouchés. Le Liban manque en effet de techniciens hautement qualifiés pour gérer des infrastructures électriques et de gestion des eaux vieillissantes et peu calibrées pour répondre aux nouveaux besoins locaux. En outre, les besoins d’expertise technique concernent aussi la maintenance de dispositifs environnementaux, axés notamment sur les énergies solaires, en particulier des panneaux photovoltaïques. L’idée est également de trouver des solutions durables pour produire de l’électricité en quantité suffisante, sans passer par des générateurs privés, non conformes, et surtout extrêmement polluants.
Des projets énergétiques fondés sur un ancrage local
Afin de répondre aux défis auxquels les collectivités territoriales libanaises sont confrontées, notamment en matière environnementale, la Région des Pays de la Loire envisage de mettre en œuvre un projet d’appui aux municipalités libanaises dans leur gestion de la transition énergétique. L’idée est de tisser des partenariats entre des acteurs ligériens et libanais, dans l'objectif de monter un projet commun, comme par exemple avec l’association libanaise pour la maîtrise de l’énergie et pour l’environnement (l’Almée).
« Pour avoir une connaissance fine des enjeux locaux et des besoins des populations, nous devons nous appuyer sur un ancrage local de proximité », indique Antoine Chéreau. « Les municipalités libanaises sont les mieux placées pour adapter les projets énergétiques et environnementaux aux spécificités de leurs territoires, c’est pourquoi nous nous sommes rapprochés du Bureau technique des villes libanaises (BTVL) qui fédère les municipalités locales ». Pour concrétiser cette intervention régionale, un projet de convention est envisagé entre la Région des Pays de la Loire et l’Agence française de développement (AFD), lequel répondra à un appel à projets FICOL (Facilité d’intervention des collectivités locales), permettant à l'AFD de financer directement des projets initiés puis mis en œuvre par les collectivités territoriales françaises.
Un effet de levier régional pour l’économie et le développement du Liban
Sur le terrain, le travail mené par les organisations non gouvernementales internationales, présentes en masse pour aider le pays à gérer la présence de ce million et demi de réfugiés syriens, conforte que « le meilleur scénario est travailler aux perspectives de soutien des syriens, sur place au Liban », poursuit Antoine Chéreau. Logements, éducation, espaces publics, transports des enfants scolarisés, mais aussi traitement de l’eau potable, gestion des déchets… Les enjeux sont nombreux. « L’approche des différents acteurs est très volontaire, et l’impulsion donnée par la Région, même si elle est relativement modeste, a un effet de levier réel, notamment pour l’économie et le développement au Liban. » Les enseignements de cette mission régionale ont donné un éclairage particulier aux élus et acteurs ligériens, sur les liens entre les besoins exprimés par les acteurs locaux libanais, et l’expertise régionale correspondante. « Notamment à travers nos compétences en formations professionnelles et dans le domaine de la transition énergétique », complète Antoine Chéreau : « Les Pays de la Loire disposent d’acteurs de qualité, reconnus, l’idée est de créer des passerelles avec les acteurs libanais. Sur place, nous avons ressenti une attente assez forte en matière de soutien technique, en complément des aides financières et matérielles que peut apporter la communauté internationale. L’action régionale peut, à ce titre, lui être complémentaire. »